Le débat sur la criminalisation des paroles de rap est au cœur de l’actualité, suscitant de vives réactions au sein de la société. Alors que des lois sont proposées pour encadrer ce sujet sensible, certains estiment qu’elles ne vont pas suffisamment loin pour protéger la liberté d’expression artistique. Dans cette chronique, nous explorerons les raisons pour lesquelles ces mesures pourraient se révéler insuffisantes face à la complexité de la question.
Un art sous pression judiciaire #
Le rap est indéniablement l’une des contributions musicales les plus significatives des cinquante dernières années. Il représente un moyen pour les artistes, souvent issus de communautés noires, de refléter et de commenter l’expérience américaine. Comme toute forme artistique, les paroles de rap sont souvent fictives et exagérées. Cependant, contrairement aux autres genres musicaux, les rappeurs voient fréquemment leurs paroles utilisées contre eux en justice, les accusant d’avoir commis les crimes qu’ils dépeignent dans leurs chansons.
L’injustice raciale flagrante #
Il est crucial de noter que cette pratique de criminalisation des paroles de rap est profondément ancrée dans une injustice raciale. Les réalisateurs de films d’horreur ou d’action ne sont jamais obligés de se défendre en justice contre des accusations fondées sur les scènes de leurs films. De même, les auteurs de chansons de country ou de death metal ne sont pas appelés à justifier leurs paroles, même violentes, devant un juge ou un jury. Ce traitement singulier réservé aux rappeurs met en lumière une discrimination évidente, soulignant la nécessité urgente de réformes législatives.
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Des efforts louables mais insuffisants #
Il est encourageant de voir que l’industrie musicale, les communautés de justice sociale et les législateurs travaillent ensemble pour contrer cette utilisation abusive par les procureurs. En Californie, les règles de preuve ont été modifiées pour imposer des contraintes supplémentaires aux procureurs cherchant à admettre les paroles de rap comme preuve de criminalité. De même, à New York, une législation proposée vise à créer une présomption contre l’admission des expressions créatives d’un accusé comme preuves lors des procès criminels.
Le piège des accusations de conspiration #
Cependant, malgré ces efforts, un vide juridique significatif demeure dans le domaine des poursuites pour conspiration criminelle. Une conspiration est un crime où deux ou plusieurs personnes conviennent de commettre un acte illégal, et où l’une d’elles fait un pas affirmatif vers la réalisation de cet acte. Les lois actuelles et proposées en Californie, à New York et au niveau fédéral rendent plus difficile pour les procureurs d’utiliser les paroles de rap comme preuve d’un crime, mais ne les empêchent pas d’alléguer que ces paroles constituent un élément du crime de conspiration.
L’illustration éloquente du procès Young Thug/YSL #
Le procès en cours de Young Thug et YSL illustre de manière vivante la nécessité urgente d’une législation interdisant cette tactique. Dans ce cas, la poursuite a accusé les prévenus sous une loi de conspiration criminelle, affirmant que des sections spécifiques des paroles de rap constituaient des « actes manifestes ». Parmi les paroles citées par les procureurs figurent :
- « Red just like Elmo but I never f—in’ giggle » – Jeffery “Young Thug” Williams
- « Where you from, I’m from Bleveland, throw your set up » – Wunnie “Slimelife Shawty” Lee
- « I shot at his mommy, now he no longer mention me » – Jeffery “Young Thug” Williams
Appel à une action collective plus forte #
Pour éviter que ces paroles ne soient systématiquement utilisées pour incriminer les artistes, il est impératif que l’industrie musicale s’unisse à ses alliés pour faire pression en faveur de l’introduction et du passage de nouvelles législations. Jusqu’à ce que cela se produise, les candidats au poste de procureur de district devraient être incités à promettre de ne pas poursuivre les paroles de rap en tant que « actes manifestes ». De plus, les avocats de la défense et de l’industrie musicale doivent conseiller leurs clients sur les risques de poursuites pour simples créations artistiques.
Les rappeurs ne devraient pas avoir à choisir entre leurs droits du Premier Amendement et ceux du Sixième Amendement. En tant qu’amoureuse passionnée des subtilités de la musique classique et défenseuse de la justice artistique, je crois fermement que la protection de la liberté d’expression dans toutes ses formes est essentielle à la richesse de notre culture et à l’équité de notre système judiciaire.